Le recours à la mise à disposition de travailleurs
RH, Paie, gestion prévisionnelle

Le marché du travail est constitué d’emplois de nature juridique différente formalisés par des contrats divers. La typologie des contrats de travail est marquée par la dominance du contrat à durée indéterminée et complétée par le contrat à durée déterminée ainsi que par ceux conclus dans le cadre d’un emploi précaire ou temporaire.
Le travail temporaire a acquis son véritable statut à la faveur des décrets n° 93/572/PM relatif au travail temporaire ; et n° 93/577/PM du 15 juillet 1993 fixant les conditions d’emploi des travailleurs temporaires, occasionnels ou saisonniers.
Il existe des cas de recours à la mise à disposition (l) laquelle s’exécute dans le cadre d’un contrat de mise à disposition (ll) dont l’inobservation des règles y relatives donne lieu à des sanctions (lll).
l. Les cas de recours à la mise à disposition
La règlementation (article 24 alinéa 4 du Code du Travail) fixe le cadre du recours à la mise à disposition. Celle-ci peut intervenir en vue du remplacement d’un travailleur absent (1.1) et en raison d’un accroissement temporaire de l’activité d’une entreprise (1.2). Cependant, il existe des emplois temporaires par nature (1.3).
1.1. Remplacement d’un travailleur absent
En vue de remplacer un travailleur absent pour congés ou maladie ou dont le contrat est suspendu, une entreprise peut solliciter une mise à disposition de travailleur appartenant à une entreprise de travail temporaire.
1.2. Accroissement temporaire de l’activité
Dans ce cas précis, le motif du recours doit être systématiquement justifié, il doit s’agir d’une tâche occasionnelle précisément définie. Aussi, ce recours aux travailleurs temporaires peut viser l’achèvement d’un ouvrage dans un délai déterminé nécessitant l’emploi d’une main d’œuvre supplémentaire ou à exécution des travaux urgents pour prévenir des accidents imminents, organiser des mesures de sauvetage ou procéder à des répartitions de matériel d’installations ou de bâtiments de l’entreprise présentant un danger pour les travailleurs.
1.3. Les emplois temporaires par nature
Le recours à la mise à disposition est autorisé lorsque les travaux sont amenés à se répéter chaque année dans l'entreprise quasiment à la même période et en fonction du rythme des saisons.
Les branches d'activité ou les travaux qui présentent un caractère saisonnier se recrutent généralement dans l’industrie, l’artisanat, l'agriculture et dans le tourisme. Toutefois, si les entreprises de ces secteurs d’activités sont fondées à recourir fréquemment aux travailleurs temporaires, il n’en demeure pas moins que le contrat à durée indéterminée est celui que le législateur a souhaité généraliser y compris pour ce type d’activités ce dans un souci de stabilité de l’emploi.
Il en découle que la mise à disposition de travailleur constitue un moyen exceptionnel de faire face à des besoins momentanés de main d’œuvre. En effet, le recours à ce type de relation de travail ne peut se justifier que pour faire face à des besoins ponctuels et objectivement identifiables.
ll. Exécution du contrat de mise à disposition
Sa conclusion obéit à des conditions de forme et fond (2.1). Quant à son exécution, elle se caractérise par une relation tripartite entre l’entreprise de travail temporaire, l’entreprise utilisatrice et le travailleur mis à disposition. Il s’ensuit que ce contrat génère des rapports entre l’entreprise utilisatrice et l’entreprise de travail temporaire (2.2) ainsi qu’entre l’entreprise utilisatrice et le travailleur mis à sa disposition (2.3) dont le régime juridique devrait pouvoir s’apprécier isolément.
2.1. Conditions de forme et de fond du contrat de mise à disposition
Nous présentons les conditions de forme (2.1.1) et de fond (2.1.2).
2.1.1. Conditions de forme
Conformément à l’article 9 du décret n° 93/572/PM du 15 juillet 1993, le contrat de mise à disposition doit être conclu sous la forme écrite.
Il convient de souligner qu’entre l’entreprise utilisatrice et l’entreprise de travail temporaire, il doit être conclu autant de contrats que de travailleurs mis à disposition.
Préalablement à la conclusion du contrat de mise à disposition, il est judicieux pour l’entreprise utilisatrice d’exiger de l’entreprise de travail temporaire la production d’un agrément en cours de validité et délivré par le Ministre chargé du travail.
L’absence d’un tel agrément peut entraîner le transfert de tous les risques juridiques et fiscaux relatifs à l’emploi de ces personnels à l’entreprise utilisatrice en raison de la négligence dont elle aurait fait preuve.
2.1.2. Conditions de fond
Il convient de préciser qu’en vertu de l’Article 6 du décret n° 93/572/PM du 15 juillet 1993 relatif aux entreprises de travail temporaire :
« Le contrat de mise à disposition entre l’Entreprise et un utilisateur doit prévoir un terme dès sa conclusion et ne peut excéder renouvellement inclus, une durée maximale de douze (12) mois ».
De l’analyse de l’article susvisé, il ressort que cette durée de douze mois concerne exclusivement le contrat relatif à chaque travailleur mis à disposition. Ce décret n’apporte pas plus de précision quant à la durée du contrat de travail conclu entre l’entreprise de travail temporaire et le travailleur qu’elle met à la disposition de l’entreprise utilisatrice.
Soulignons l’existence d’un risque juridique attaché à l’utilisation des travailleurs mis à disposition au-delà de la période prescrite par ledit décret.
En effet, ces travailleurs pourraient sur le fondement de l’article 25 (3) du code du travail, réclamer le bénéfice d’un contrat à durée indéterminée ; le cas échéant, des avantages découlant d’un tel contrat (indemnités de licenciement, de préavis…) et ce dans l’hypothèse d’une cessation des relations de travail survenant au-delà de la période de douze (12) mois.
De la lecture combinée des articles 7 alinéa 2 et 9 alinéa 2 du décret n° 93/572/PM du 15 juillet 1993 exige il ressort que le contrat de mise à disposition doit comporter les mentions suivantes :
a) le motif du recours au travail temporaire ;
b) le terme de la mise à disposition assorti, en tant que de besoin d’une clause prévoyant la possibilité de modifier ce terme ;
c) la description du poste à occuper précisant ses caractéristiques et la qualification professionnelle requise ;
d) le lieu d’exécution et l’horaire ;
e) les éléments de la rémunération et les modalités de paiement ;
f) la possibilité pour l’utilisateur d’embaucher le salarié au terme de l’exécution du contrat de mise à disposition.
Il convient de souligner que dans l’hypothèse d’un recrutement du travailleur à l’issue de sa mise à disposition, la détermination de son ancienneté auprès de l’entreprise utilisatrice devra intégrer la période de la mise à disposition.
2.2. Rapports entre l’entreprise utilisatrice et l’entreprise de travail temporaire
La responsabilité civile contractuelle de l’entreprise de travail temporaire peut être engagée à l’initiative de l’entreprise utilisatrice lorsqu’elle a fourni un salarié inapte à tenir le poste proposé ou si elle a fait preuve de négligence dans la vérification de la compétence professionnelle d’un travailleur mis à disposition.
En revanche, pour ce qui est des dommages causés aux tiers par le travailleur dans le cadre de sa mise à disposition, la responsabilité de l’entreprise utilisatrice est susceptible d’être engagée.
La jurisprudence Française[1](que nous pouvons évoquer ici en raison de la similitude entre les systèmes juridiques Français et Camerounais), considère qu’en cas d’accident du travail survenu à un travailleur mis à disposition, l’entreprise utilisatrice est pénalement responsable dès lors que la cause directe de l’accident réside dans la violation par cette entreprise des règles d’hygiène et de sécurité.
2.3. Rapports entre l’entreprise utilisatrice et le travailleur mis à disposition
Le véritable contrat de travail (défini en fonction du traditionnel lien de subordination) est celui qui lie l’entreprise de travail temporaire et le travailleur mis à disposition. C’est donc l’entreprise de travail temporaire qui est le véritable et unique employeur du travailleur mis à disposition et qui le rémunère.
En revanche, le pouvoir de direction du travailleur mis à disposition appartient à l’entreprise utilisatrice Il s’ensuit que le travailleur mis à disposition est astreint au respect du règlement intérieur, des horaires de travail, des notes de service et autres directives émanant de l’entreprise utilisatrice. Il s’agit en fait d’une mission d’intérim effectuée par le travailleur mis à disposition.
Il convient de souligner que dans ses rapports avec le travailleur mis à disposition, l’entreprise utilisatrice est astreinte au respect des mesures légales relatives notamment à l’hygiène et à la sécurité au travail. A cet effet, les équipements de protection individuelle sont fournis par l’entreprise utilisatrice. Elle a par ailleurs l’obligation d’offrir au travailleur mis à sa disposition les mêmes facilités que ceux accordés à ses propres salariés à savoir : installations collectives, transport, repas …
Quant aux obligations relatives à la médecine du travail, elles incombent à l’entreprise de travail temporaire.
En cas de faute grave ou lourde du travailleur, il est loisible à l’entreprise utilisatrice d’exiger le remplacement de celui-ci.
Toutefois, à l’effet de minimiser tout risque de contentieux initié par le travailleur sur le fondement de cette demande de remplacement, il conviendrait que le contrat de mise à disposition prévoit une telle possibilité tout en précisant que celle-ci ne saurait être considérée comme un licenciement imputable à l’entreprise utilisatrice ce d’autant plus qu’une telle décision est du ressort exclusif de l’entreprise de travail temporaire.
Le versement des rémunérations, l’acquittement des charges patronales relatives au travailleur mis à disposition incombent à l’entreprise de travail temporaire.
lll. Sanctions de l’inobservation des règles régissant la mise à disposition de travailleurs
Le dossier du travailleur mis à disposition doit être soigneusement suivi et le contrat entre l’entreprise utilisatrice et l’entreprise de travail temporaire doit être régulièrement conclu.
En effet, la CNPS, en l’absence de ces éléments peut invoquer la confusion d’employeur et considérer l’utilisateur comme employeur véritable des travailleurs mis à sa disposition.
Par ailleurs, une négligence de l’entreprise utilisatrice peut permettre au salarié mis à sa disposition de bénéficier des avantages d’une requalification de son contrat temporaire en contrat à durée indéterminée.
Conformément à l’article 18 du décret n° 93/572/PM du 15 juillet 1993 relatif aux entreprises de travail temporaire, les infractions aux dispositions qui régissent la mise à disposition sont passibles des peines prévues aux articles 168 et 170 du code du travail ; à savoir une peine d’amende de l’ordre de 200.000 à 1.500.000 F.CFA et une peine d’emprisonnement de six (6) jours à six (6) mois.
A priori, les sanctions sus évoquées ont été prévues à l’encontre de l’entreprise de travail temporaire s’agissant de la peine d’amende; ou de son représentant légal, pour ce qui est de la peine de prison.
Toutefois, compte tenu de l’imprécision de cet Article 18, le juge pourrait l’interpréter de manière extensive en prononçant lesdites sanctions à l’endroit de toutes les parties au contrat de mise à disposition, dès lors que ceux-ci ne seraient pas en mesure de démontrer leur bonne foi.
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[1] Cass. Crim. 17-12-1985 n°85-92.072 ; 15-1-1991 n° 89-86.352 : RJS 3/91 n° 404).